Oeuvres de Sade : La philosophie dans le boudoir

 Pendant les vacances d'été, j'avais décidé d'étudier des classiques et avais commandé quelques livres sur Internet. Sade y avait une place de choix. Hélas, même en vacances, je n'ai pas trouvé le temps de lire tous mes achats. Cependant, la « Philosophie dans le Boudoir » a été dévorée rapidement sur la plage, au bord de la piscine, dans l'avion, et lors d'un verre en terrasse de l'hôtel. Malgré une couverture explicite je n'avais pas honte de m'afficher avec ce livre, bronzant topless sous le soleil turc.

Je l'ai dévoré donc, car ce livre est accrocheur, excitant et intéressant. Il alterne discours "philosophiques" et scènes érotiques.

La jeune Eugénie est l'élève de Madame de Saint Ange et Dolmancé. Ils ont décidés de lui faire son éducation correctement, projet durant lequel ils lui feront découvrir la sexualité, mais pas seulement. Toute la morale de l’histoire tourne autour du concept de liberté tel que prôné par Sade. Rien n'est bon ou mauvais. Seul notre propre bonheur importe, aux dépends des autres s'il le faut. Nous ne sommes que des bêtes, après tout, et dans la nature il faut de tout : des vices et des vertus. D’ailleurs rien n’est vraiment vice et rien n‘est vraiment vertu. Renier ses pulsions serait donc se renier soit même, renier la nature, seul maître dans le monde, car le livre, bien sûr est aussi une apologie de la pensée agnostique. Sade en profite pour se venger de la justice en l’utilisant en son sens, justice qui l’a tant condamné pour ses écrits sulfureux et son comportement scandaleux.

J'ai tellement apprécié ce livre que Kees l'a immédiatement commandé en néerlandais/anglais dès notre retour de vacances (après m'avoir piqué l'original plusieurs fois). La lecture en français l'a rendu curieux, mais la compréhension est bien plus facile dans sa langue maternelle/mieux maitrisée.

Bien qu'à prendre avec recul et sagesse, j'ai trouvé le discours "philosophique" bien mené : il n'est pas dénué de logique, presque vérité. Je le nuancerai, l'adoucirai, sur bien des points qui me semblent beaucoup trop tranchés et provocateurs mais j’ai trouvé intéressant de lire l'opinion des extrémistes de l'époque. Telle une œuvre historique, lire cet écrit permet de se replonger à l'époque des Lumières, de la Révolution, et faire le bilan des idées qui ont bien avancé a notre époque... mais celles aussi que l'on est peut-être en train d'oublier...

Enfin, et surtout, ce livre n'est pas classé au rayon "adulte" pour rien. Même si son auteur, insolent, le conseille "aux jeunes filles de 15 ans", il s'agit bien de pornographie ... très agréable à lire ! Les descriptions, théâtrales, sont aussi accompagnées des ressentis des personnages et d'un scenario excitant : une jeune fille découvrant les pire vices accompagnée des hommes et femmes les plus pervers de la région... Hmmm.... Un délice ! Il accompagne étonnamment bien une séance de masturbation mutuelle ;-)

- Sade, es-tu diabolique ou divin ?
"Simplement humain" aurait-il sûrement répondu...


Extrait : Préface

Voluptueux de tous les âges et de tous les sexes, c'est à vous seuls que j'offre cet ouvrage: nourrissez-vous de ses principes, ils favorisent vos passions, et ces passions, dont de froids et plats moralistes vous effraient, ne sont que les moyens que la nature emploie pour faire parvenir l'homme aux vues qu'elles a sur lui; n'écoutez que ces passions délicieuses; leur organe est le seul qui doive vous conduire au bonheur.

Femmes lubriques, que la voluptueuse Saint-Ange soit votre modèle; méprisez, à son exemple, tout ce qui contrarie les lois divines du plaisir qui l'enchaînèrent toute sa vie.

Jeunes filles trop longtemps contenues dans les liens absurdes et dangereux d'une vertu fantastique et d'une religion dégoûtante, imitez l'ardente Eugénie; détruisez, foulez aux pieds, avec autant de rapidité qu'elle, tous les préceptes ridicules inculqués par d'imbéciles parents.

Et vous, aimables débauchés, vous qui, depuis votre jeunesse, n'avez plus d'autres freins que vos désirs et d'autres lois que vos caprices, que le cynique Dolmancé vous serve d'exemple; allez aussi loin que lui, si ,comme lui, vous voulez parcourir toutes les routes de fleurs que la lubricité vous prépare; convainquez-vous à son école que ce n'est qu'en étendant la sphère de vos goûts et de ses fantaisies, que ce n'est qu'en sacrifiant tout à la volupté, que le malheureux individu connu sous le nom d'homme, et jeté malgré lui sur ce triste univers, peut réussir à semer quelques roses sur les épines de la vie.